une forêt vert dollar – Jeune Afrique

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Pionnier en matière de lutte contre le réchauffement climatique, le Gabon veut percevoir des indemnités pour son engagement écologique. La préservation de ses forêts tropicales a un coût important que doivent assumer les grands pollueurs de ce monde.

Environ 90 % du Gabon est recouvert d’une forêt dense, soit une superficie équivalente à celle du Royaume-Uni. Cette forêt, qui fait partie du bassin du Congo, regorge de biodiversité et abrite des gorilles des plaines de l’Ouest, des chimpanzés et la plupart des éléphants de forêt d’Afrique, espèce gravement menacée.

Dans la forêt tropicale gabonaise, Vincent Medjibe, vêtu d’une tenue de camouflage, enroule son mètre à ruban autour d’un arbre pour tenter d’en mesurer la taille. Depuis 2011, ce coordonnateur du projet d’inventaire des ressources naturelles du Gabon au sein de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) est chargé de calculer la quantité de carbone enfermée dans les arbres de son pays, l’une des dernières étendues de forêt tropicale intacte au monde.

Nous devons trouver une solution avant de finir comme d’autres pays

« C’est un travail à forte intensité de main-d’œuvre », confie Vincent Medjibe, qui envoie des équipes au plus profond de la forêt pour mesurer les arbres et prélever les échantillons du sol. « Normalement, il faut marcher trois ou quatre jours en forêt avant de pouvoir commencer. Ensuite, vous pouvez avoir jusqu’à 400 arbres à étudier. »

Selon les données recueillies par les équipes de Vincent Medjibe, la forêt gabonaise absorbe chaque année 140 millions de tonnes de carbone de l’atmosphère, alors que ses émissions annuelles nationales sont de 40 millions de tonnes, ce qui fait du pays d’Afrique centrale l’une des rares nations à absorber plus de carbone qu’elle n’en émet.

Préserver la forêt gabonaise pour sauver la planète

Toutefois, ses réserves d’hydrocarbures s’épuisant, le Gabon veut maintenant être récompensé pour avoir préservé cette vaste ressource naturelle, plutôt que de l’abattre pour l’exploitation du bois ou pour ouvrir la voie aux plantations d’huile de palme, comme cela s’est produit de l’autre côté de la frontière, au Cameroun et au Congo.

Aucun pays sur Terre ne s’est développé en conservant sa couverture forestière

S’il n’est pas récompensé pour ses efforts, il est à craindre que le Gabon – une fois son pétrole épuisé – ne se retrouve contraint d’abattre sa forêt pour trouver d’autres sources de revenus.

« Pour le moment, nous avons du pétrole, donc nous pouvons limiter la pression sur la forêt », commente Tanguy Gahouma, chef du Conseil national du climat du Gabon (CNC), interrogé par The Africa Report/ Jeune Afrique. « Mais si nous ne sommes pas compensés pour entretenir la forêt, cela mettra le Gabon dans une situation très difficile. Nous devons trouver une solution avant de finir comme d’autres pays. »

La solution que préconise Libreville est la possibilité de vendre des crédits sur les marchés internationaux en fonction de la quantité de carbone que sa forêt absorbe. L’idée est qu’une usine en Allemagne, par exemple, pourrait compenser ses émissions en achetant des crédits de carbone tirés des arbres du Gabon, ce qui lui permettrait de maintenir sa production tout en préservant la forêt tropicale.

Lee White, spécialiste de l’écologie originaire d’Altrincham, près de Manchester, au Royaume-Uni, occupe le poste de ministre des Eaux, des Forêts, de la Mer, de l’Environnement du Gabon. Selon ses estimations, le Gabon peut tirer plus de revenus de ses forêts de cette manière qu’en l’exploitant pour l’agriculture. « Si vous regardez la RD Congo, leur forêt part en fumée, mais s’ils avaient obtenu cinq dollars par tonne de carbone absorbée dans leur forêt, cela leur aurait rapporté bien plus d’argent que les exploitations agricoles actuelles », rappelle le dirigeant gabonais.

Il ajoute qu’il est essentiel de tirer profit de la forêt d’une autre manière pour assurer sa survie. « Aucun pays sur Terre ne s’est développé en conservant sa couverture forestière. C’est un fait. Il est donc inévitable que cela se produise ici si nous n’accordons pas de la valeur à la forêt. » Payer pour les services écosystémiques que le bassin du Congo fournit serait beaucoup moins cher que de gérer les coûts sociaux et économiques d’une éventuelle émigration clandestine vers l’Occident, explique-t-on du côté de Libreville.

Zone économique spéciale de Nkok (GSEZ), Société Green Ply S.A Industrie du bois déroulé. Libreville, Juillet 2018.

Zone économique spéciale de Nkok (GSEZ), Société Green Ply S.A Industrie du bois déroulé. Libreville, Juillet 2018.
© Jacques Torregano pour JA

Répercussions en série

Si le Gabon devait perdre sa forêt, les effets seraient désastreux pour l’Afrique – mais aussi pour le monde entier.

Si on perd la forêt du bassin du Congo, il y aura des dizaines de millions de réfugiés climatiques

Les nuages que le Gabon et le bassin du Congo génèrent arrosent le Sahel, bande de terre aride au sud du Sahara déjà frappée par des sécheresses qui contribuent à alimenter l’extrémisme islamique. Ils alimentent également la source du Nil bleu en Éthiopie.

« Si nous perdons la forêt du bassin du Congo, nous perdrons ces précipitations pluvieuses », avertit Lee White. « Cela signifie que nous perdrons l’agriculture dans le Sahel et que vous aurez 100 millions de Nigérians qui chercheront un nouvel habitat, et vous perdrez le Nil Bleu, ce qui implique que 100 millions d’Égyptiens chercheront également une nouvelle maison… »

L’improbable conversion d’Omar Bongo

Le Gabon a réussi à conserver une grande partie de sa forêt tropicale grâce à l’improbable conversion de l’ancien président du pays, Omar Bongo Ondimba, à l’environnementalisme au début des années 2000, alors que la déforestation commençait à s’intensifier. L’étincelle ? Une randonnée épique de 3 000 km à travers la forêt, entreprise en 1999 par l’explorateur écologiste Mike Fay et le photo-journaliste Nick Nicholasson, tous deux américains.

Omar Bongo Ondimba était un citadin qui, comme la plupart des Gabonais, s’aventurait rarement dans la forêt. Lorsqu’on lui a présenté des photos prises au cours du voyage, montrant les richesses naturelles de son pays, il a annulé tous les permis d’exploitation forestière et a créé 13 parcs nationaux, qui représentent aujourd’hui environ 11 % de la masse terrestre du Gabon et protègent ses habitats les plus précieux.

Les politiques de conservation commencent à porter leurs fruits

En conséquence, la faune gabonaise est en plein essor, alors que les populations animales s’effondrent partout ailleurs en Afrique centrale. L’exploitation forestière ne peut se faire que dans le cadre de plans de gestion stricts qui garantissent que la canopée de chaque parcelle de forêt exploitée retrouve sa taille initiale dans un délai de vingt-cinq ans.

L’obstacle de la corruption

Néanmoins, un grave problème de corruption demeure, entravant la bonne marche des . En 2019, le vice-président du Gabon a été limogé ainsi que le ministre prédécesseur de Lee White, après la découverte dans un port de 300 conteneurs de kevazingo, un bois dur rare, abattu illégalement.

Alors qu’il sévissait contre des trafiquants d’ivoire, Lee White avait dû envoyer ses enfants au Royaume-Uni, craignant pour leur sécurité.

De nombreux Gabonais se plaignent également du trop grand nombre d’éléphants qui s’introduisent dans leurs fermes et saccagent leurs cultures. Des clôtures électriques sont érigées pour faire face à ce problème, mais elles sont coûteuses : dans certaines régions du Gabon, des clôtures ont été construites pour protéger une ou deux familles seulement, pour un coût de 50 000 à 100 000 dollars, affirme un défenseur de l’environnement. Pourtant, les politiques de conservation du Gabon commencent déjà à porter leurs fruits

Subvention de 150 millions de dollars

En juin 2021, le Gabon est devenu le premier pays à être rémunéré pour la protection de ses forêts : il a reçu 17 millions de dollars d’un fonds soutenu par la Norvège, l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale (Cafi), première tranche d’une subvention d’un montant de 150 millions de dollars. Le paiement a été effectué dans le cadre d’un programme appelé REDD (Réduction des émissions et de la dégradation des forêts).

Cependant, le prix obtenu par le Gabon pour le carbone stocké dans ses arbres était faible : à peine 10 dollars par tonne métrique, alors que la moyenne du marché européen est d’environ 60 dollars pour chaque tonne de carbone éliminée des usines.

Les industriels pétroliers et gaziers sont les plus grands défenseurs des crédits carbone

Le Gabon souhaite que le programme REDD soit remplacé par un marché international qui lui permettra de vendre directement à des entreprises d’Europe et d’Amérique du Nord des crédits carbone d’une valeur d’environ 1 milliard de tonnes à un prix beaucoup plus élevé.

Tous les écologistes ne sont pas d’accord avec cette idée. Joe Eisen, directeur de la Rainforest Foundation, la décrit comme une « distraction » fondée sur des affirmations scientifiques non prouvées qui sapent les efforts visant à atteindre le « zéro net « . « Les industriels pétroliers et gaziers sont les plus grands défenseurs de cette idée, car ils n’auraient qu’à acheter ces crédits afin de continuer à émettre… Mais ce n’est pas ainsi que l’environnement fonctionne », déplore Joe Eisen. « Il y a un risque que ces crédits carbone soient utilisés pour retarder une action forte dans le Nord global », selon cet expert.

Il évoque également la perspective d’une « mainmise sur l’environnement » par de grandes entreprises occidentales désireuses d’accaparer des terres bon marché en Afrique et ailleurs afin de générer des crédits carbone forestiers, qu’elles pourraient ensuite revendre avec un large bénéfice. « Vous allez assister à une énorme demande de terres dans le bassin du Congo qui pourrait pousser les populations autochtones à l’exode, avec d’énormes implications pour les droits de l’homme et la sécurité alimentaire », conclut-il .

Critiques et mesures indispensables

D’autres experts ont critiqué les données du gouvernement gabonais, suggérant qu’il y aurait eu une manipulation des chiffres visant à démontrer des réductions d’émissions n’existant que sur le papier. Certains spécialistes s’inquiètent également de l’augmentation du taux d’abattage illégal au cours des dernières années.

Nous avons pris des risques physiques pour défendre nos parcs nationaux

Malgré ces critiques, Lee White et d’autres responsables gabonais restent persuadés que la création d’un marché des crédits carbone forestiers s’avère indispensable pour sauver les dernières forêts tropicales de la planète, et ainsi empêcher que la hausse des températures ne dépasse 1,5 degré Celsius.

« Le Gabon est le pays le plus engagé – dans un sens positif – en matière de carbone sur terre », s’enthousiasme fièrement le ministre des Forêts, assis sous la canopée du parc national de Pongara.

« Nous avons mis en place des décisions politiques et des lois. Nous avons pris des risques physiques pour défendre nos parcs nationaux. Le Gabon a fait sa part du travail. Mais si nous ne parvenons pas à un accord, c’est le monde entier qui aura  des problèmes. »

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