Covid-19 / Nouveau dispositif juridique : Atteinte au prestige de la fonction | Gabonreview.com
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La transmutation de l’arrêté n° 0685/PM en décret présidentiel ne répond pas à la dimension tribunitienne du président de la République.
Le débat sur les «mesures gouvernementales de prévention, de lutte et de riposte contre la propagation de la Covid-19» n’en finit plus. Après l’annulation de l’arrêté n° 0559/PM, transmuté en arrêté n° 0685/PM, lui aussi retoqué, le gouvernement vient de faire adopter un décret par le Conseil des ministres. Aux termes de celui-ci, les personnes vaccinées ont librement accès aux lieux publics. Elles peuvent également circuler au-delà du couvre-feu, y compris pour se rendre à l’intérieur du pays. Comme on pouvait le redouter, ces mesures ne concernent pas les non-vaccinés, condamnés à présenter un test négatif datant de moins de 14 jours, à stopper toute activité dès le début du couvre-feu et à obtenir une «autorisation spéciale de circuler.» A quelque chose près, il en va de même pour les «personnes non éligibles à la vaccination» : si elles bénéficient de la gratuité du test, elles ne sont pas autorisées à vaquer à leurs occupations en tout temps et en tout lieu.
Querelles de procédures
Durant les débats sur les précédents textes, trois acteurs s’étaient illustrés : le Copil citoyen, la Cour constitutionnelle et le gouvernement. A la stupéfaction générale, ces épisodes ont viré en une lutte de leadership voire à une bataille d’égo. Avec ce décret, tout se passe comme si le président de la République est descendu dans l’arène. Comme s’il a choisi de servir de bouclier au gouvernement ou de stopper la Cour constitutionnelle pour mieux se dresser face à la société civile. Et pour cause : contrairement aux recommandations de la décision n° 045/CC, la Première ministre n’a nullement remédié à «la situation juridique qui découle de l’annulation de (…) (l’) arrêté (querellé).» Comme par un tour de passe-passe, elle s’est défaussée sur le président de la République, lui refilant la patate chaude. Or, comme l’a toujours affirmé le Copil citoyen, ce décret ne participe ni de la prévention ni de la lutte encore moins de la riposte contre la covid-19. Il vise plutôt l’incitation, la promotion et le consentement à la vaccination.
Pour sûr, le gouvernement ne l’entendra pas ainsi. Ayant mis fin à la gratuité du dépistage au moyen d’un décret, il dira s’être conformé à la hiérarchie des normes. S’étant gardé d’évoquer les textes annulés, il affirmera avoir respecté l’autorité de la chose jugée. Ayant eu recours au «détenteur suprême du pouvoir exécutif», il prétendra s’inscrire dans le strict respect de la Constitution. N’empêche, dans sa décision du 31 décembre 2021, la Cour constitutionnelle avait estimé «que par souci de cohésion (…) (les) dispositions (…) censurées (…) ne peuvent être séparées de l’ensemble du texte.» Autrement dit, en jugeant les articles 6 et 10 «inconstitutionnels», elle avait rejeté l’arrêté n° 0685 dans son entièreté. De ce point de vue, on ne saurait reconduire certaines dispositions, y compris par décret pris en Conseil des ministres. Sauf, bien entendu, à mêler le président de la République à des querelles de procédures, au risque de porter atteinte au prestige de sa fonction.
Traces indélébiles
Même s’il est avant tout perçu comme le chef suprême de l’exécutif, le président de la République est tout à la fois l’arbitre du jeu institutionnel et le garant du pacte social. Sa fonction revêt une dimension tribunitienne. Face à la puissance de l’Etat, il a le devoir de se mettre à l’écoute du peuple et d’en défendre les intérêts. Or, en s’abritant derrière lui, le gouvernement a pris le risque de le mettre en porte-à-faux avec la justice. Dans le même temps, il l’a contraint a endosser l’ensemble des mesures, le faisant apparaître comme l’unique responsable de la crise multiforme née d’une gestion mimétique de la covid-19. Pourtant, le président de la République est le garant de la justice et de l’Etat de droit. Pour la dignité et l’honorabilité de la fonction, il doit intervenir le moins possible dans des questions d’intendance. Quand il est amené à le faire, il doit trancher, proposer des solutions de consensus et non pas voler au secours d’un camp.
Peu importe la réaction immédiate du Copil citoyen, le mal est fait. Cet épisode laissera des traces, profondes voire indélébiles. Aux réactions de soutien à la Cour constitutionnelle ont succédé des diatribes à l’endroit du président de la République. Sauf initiatives novatrices et fortes, Ali Bongo pourrait davantage sombrer dans des abymes d’impopularité préjudiciables au fonctionnement de l’appareil d’Etat, y compris le gouvernement. Vu sous cet angle, l’exécutif gagnerait à réfléchir à une vraie stratégie de sortie de crise, au lieu de tenter un ultime passage en force.
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